Créé le 01-03-2013 à 18h39 - Mis à jour le 09-03-2013 à 12h34
"Ces hommes regrettent le modèle du 'pater familias'", estime Marcel Rufo, pédopsychiatre, expert auprès des tribunaux.
- Lorsque je suis expert auprès de la justice, je défends toujours le père, même s’il est fragile, pour que le lien avec l’enfant soit maintenu. Le mouvement de défense des pères ne doit pas se "victimiser" s’il veut être entendu. Ce n’est pas en agressant qu’on obtient gain de cause. Ces hommes regrettent le modèle du "pater familias". Leurs revendications sont presque de l’ordre du fantasme. Ils sont en compétition avec les femmes, car avec la grossesse, elles disposent d'un pouvoir incroyable. La mère est toujours certaine, le père toujours incertain, dit-on. Et quand on perd sa mère on ne guérit jamais. Les hommes ne peuvent pas être enceintes, il n’y aura donc jamais d’égalité !
Sont-ils davantage impliqués que leurs aînés ?
- Les nouveaux pères ont fait des progrès, ils sont beaucoup plus 'chouettes' que ceux de ma génération, et davantage formés à la parité. J’en vois de plus en plus dans mes consultations, où il n’y avait, auparavant, que les mères et les grands-mères. Je constate qu’ils s'investissent beaucoup quand l'enfant a de 0 à 4 ans. Mais après, ils font preuve de narcissisme masculin et retournent à leur carrière. Très peu d'hommes demandent, par exemple, à travailler à temps partiel pour s'occuper de leur enfant.
La garde alternée est-elle une solution en cas de séparation ?
- Au départ, j’étais plutôt contre, car j’estimais que la garde alternée entretenait la guerre entre les parents. J'étais persuadé que l'enfant avait besoin d'une seule maison. Mais aujourd’hui, la séparation est devenue quelque chose de banal. La singularité, c’est de rester ensemble. Je vois d’un bon œil que les pères veuillent apporter leur identité. Trois conditions sont toutefois requises pour que la garde alternée se passe bien : il faut en avoir les moyens financiers, être intelligent et bien s’entendre. Et surtout, ne plus être amoureux, auquel cas l’enfant prendra toujours le parti du parent malheureux ! Etonnamment, un juge aux affaires familiales ne va jamais chercher à savoir si l'un des parents est encore amoureux. Enfin, il me semble logique qu’un nourrisson reste auprès de sa mère les premiers mois.
Qu’en est-il du "syndrôme d’aliénation parentale", que certains pères invoquent dans les cabinets des juges ? Existe-t-il vraiment ?
- Lors d’expertises, on nous demande souvent quelles sont les garanties psychiques pour que les parents ne se servent pas de leurs enfants. Dans les cas pathologiques ou lors de séparations compliquées, l’enfant peut avoir peur de son père, non pas parce que la mère l’a monté contre lui, mais au contraire parce que le père est très important pour lui.
Propos recueillis par Bérénice Rocfort-Giovanni
A lire dans "le Nouvel Obs" du 7 mars 2013 : "Faut-il avoir peur des masculinistes?"
Geen opmerkingen:
Een reactie posten