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Par BibliObs
L'éditeur et auteur d'«Affaires étrangères» est mort ce 25 mars à l'âge de 58 ans. Il avait rédigé sa propre notice biographique, au passé, pour le «Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française» dirigé par Jérôme Garcin (éd. Mille et une nuits). La voici.
Il accepta très tôt et avec ravissement d’être connu meilleur éditeur que romancier, la formule venait de lui, assez dure pour l’arranger, lui permettre de demeurer dans l’ombre, de s’occuper des autres dont il avait tant besoin pour s’oublier lui-même et qu’à la longue on l’oublie tout court. Qu’on oublie les images qu’on lui colla successivement à la peau et dont il ne chercha que très mollement à se défaire. Jean-Marc Roberts n’aimait peut-être rien tant que d’agacer, dérouter, troubler son monde.
La poignée de personnes pour laquelle, après quelques œuvrettes de jeunesse, il continua d’écrire – malgré tout – savait l’essentiel. Qu’il se souciait finalement assez peu du destin même de ses ouvrages dont il se détachait de toutes ses forces à mesure dans le secret espoir de « faire mieux » la fois d’après, de réussir à approcher le grand roman qu’il promettait à son fils Gabriel, histoire de l’épater. Car impressionner un enfant lui avait toujours paru plus stimulant et naturel que d’emballer une Critique ou un public qui l’avaient aimé ou mal aimé pour des raisons secondaires.
On le taxe de légèreté et il ne s’essaya jamais à trop de sérieux, on le cantonna dans un rôle de romancier de cinéma puisque plusieurs de ses livres furent portés à l’écran, on le compara souvent à son ami Patrick Modiano, - cela était si simple de confondre la biographie des deux inséparables et leurs textes eux-mêmes -, il en fut flatté même si ce rapprochement délicieux le laissait plus que perplexe. Comme pour le reste, il n’apporta pourtant nul démenti. Pas le genre à porter plainte, pas le temps surtout. Amateur de clichés, il s’efforça, à défaut de réussir ses livres, de réussir sa vie, pari bien plus difficile à tenir à ses yeux mais qu’il entendait bien gagner ne fût-ce justement – pardon pour le paradoxe – que grâce et par l’écriture.
Après quelques succès, un prix Renaudot miraculeux, un prix Louis Delluc au cinéma, il cessa ainsi de prendre ses livres pour des jouets et ferma le magasin. Il fit paraître deux romans à caractère autobiographique «Méchant» (1985) et «Mon père américain» (1988). Ces deux textes se présentaient comme le contraire l’un de l’autre, le premier en négatif, le second tout en couleurs. Sans doute, Jean-Marc Roberts aurait-il pu, avec le temps, le recul, un autre talent aussi, n’en faire qu’un. Mais, rappelons-le, le «vieil espoir» connaissait ses limites. L’écriture de «Méchant» l’avait conduit vers un autre livre et peut-être une autre vie plus optimistes et moins trichés.
Le grand roman ? Son fils aîné lui avait juré qu’il l’écrirait un jour: «A mes douze ans !» Gabriel étant né le 23 septembre 1978, estimons que les plus braves auront attendu.
Jean-Marc Roberts
(Notice rédigée en 1988 et revue en 2003)©Ed. Mille et une nuits
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