vrijdag 8 februari 2013

Comment reconnaître une personne bipolaire ?

Créé le 06-02-2013 à 20h18 -

Cyclothymie, maniaco-dépression, bipolarité : quels sont les symptômes et les traitements de cette maladie encore assez méconnue, qui touche 6% de la population ?

"Bipolaires, le nouveau mal du siècle", dossier à lire dans "le Nouvel Observateur" du 7 février 2013. (Grégoire Alexandre pour
"Bipolaires, le nouveau mal du siècle", dossier à lire dans "le Nouvel Observateur" du 7 février 2013.
"Le Nouvel Observateur" publie le 7 février un dossier sur les bipolaires. Ces troubles de l'humeur sont de plus en plus répandus, et envahissent les films, les séries télé et internet. Au point d'être considérés comme le nouveau mal du siècle. Qu'est-ce que la bipolarité ? Quels en sont les causes, les symptômes et les traitements ? Explications de Christian Gay, spécialiste des troubles bipolaires, psychiatre à la clinique de Garches.
  • Maniaco-dépressifs et bipolaires, c'est pareil ?
"Selon les époques, les mots me concernant ont changé : on m'a dit maniaco-dépressif ou bipolaire… Un siècle plus tôt, on aurait juste dit fou. Je veux bien." C'est ainsi que dans son beau livre, "l'Intranquille" (1), le peintre Garouste évoquait sa bipolarité. Une simple histoire de mots ?
Il y a trente ans, la psychiatrie ne parlait pas de troubles bipolaires mais de psychose maniaco-dépressive. La forme la plus aigüe de bipolarité. "Elle touche 1 à 2% de la population", dit Christian Gay, psychiatre à la clinique de Garches (2). "Cela correspondait partiellement à ce que nous appelons aujourd’hui les troubles bipolaires de type I, les plus faciles à diagnostiquer, en raison du caractère aigu et souvent délirant des symptômes d'excitation facilement identifiables."
Depuis les années 1990, les troubles bipolaires sont cependant mieux connus. "On s’est rendu compte qu’ils étaient plus répandus qu’on ne le pensait. Mais ils n’étaient pas diagnostiqués, et souvent confondus avec des dépressions ou masqués par d'autres troubles associés telles l'alcoolo-dépendance, la toxicomanie ou des troubles graves de la personnalité".
On estime aujourd'hui que 6% de la population souffre de troubles bipolaires (toutes formes confondues, en intégrant aussi les formes atténuées telle la cyclothymie). Cette maladie encore assez méconnue constitue pourtant, selon l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la 6e cause de handicap dans le monde. "Sans compter le risque de suicide, évalué de 10 à 15%, et un taux élevé de mortalité", rappelle Christian Gay.
  • Les différentes formes de bipolarité
Les bipolaires de type 1 étaient jadis diagnostiqués maniaco-dépressifs. Ils alternent les phases maniaques aigües délirantes et les phases de dépression profondes. Des "délires" qui pourront chez certains se traduire par des dépenses compulsives. C'est ce que raconte le gestionnaire de fortune Jean Albou, figure de l'art contemporain, bipolaire, qui lors d'une crise maniaque en 2007, bascula totalement, se ruina, laissant derrière lui des dettes de plusieurs millions d'euros...(3)
Les bipolaires "type 2" sont moins reconnaissables. "Les phases d'excitation sont dites hypomaniaques car plus discrètes", explique Christian Gay. "Elles sont donc difficiles à repérer. Les personnes souffrant de ce trouble sont souvent d'ailleurs bien intégrées. Ce n'est que quand survient la dépression qu'elles sont traitées. "Ce qui pose un sérieux problème, car soigner un trouble bipolaire uniquement avec des antidépresseurs peut aggraver la maladie".
Les spécialistes ont ainsi détecté toute une catégorie de troubles, les type 3 : "Ce sont des formes révélées par les antidépresseurs, alors qu’elles auraient dû être traitées ou associées à des régulateurs d’humeurs."
Les types 4 correspondent aux troubles cyclothymiques.
Quant aux type 5, ils correspondent à un profil de patients hyperactifs. "Ils restent en permanence en phase d'excitation. Ce sont souvent des personnes avec d'importantes responsabilités dans leur travail, qui vivent à 100 à l'heure. Et sont donc rarement diagnostiqués comme tels... sauf lorsqu'ils tombent en dépression, ce qui peut leur arriver à tout moment."
  • Comment soigne-t-on ces troubles ?
"Plus la prise en charge est rapide, plus le patient a de chance de bien répondre au traitement", explique Christian Gay. "En général, on prescrit un régulateur d'humeur type lithium". Malheureusement, les premiers symptômes de la maladie passent souvent inaperçus. Et les diagnostics sont tardifs. "10 ans de retard en moyenne".
Avec tous les risques qui en découlent : désinsertion sociale, familiale et professionnelle, des cycles qui s'accélèrent et deviennent ingérables, un trouble qui devient chronique. Aujourd'hui, le traitement de la bipolarité ne repose cependant plus seulement sur les médicaments.
"Les thérapies comportementales peuvent se révéler très bénéfiques. On utilise aussi beaucoup désormais la psycho-éducation, une approche qui aide le patient et son entourage à déceler et juguler les crises." Les patients doivent aussi tout faire pour préserver un rythme de vie stable, routinier, dormir, éviter les situations de stress. "Si elle est prise en charge tôt et bien suivie, une personne atteinte de trouble bipolaire peut tout à fait avoir une vie normale".
  • Quelles sont les causes de la maladie ?
Les spécialistes emploient un mot barbare "le modèle bio-psycho-social" pour évoquer l'ensemble des facteurs pouvant provoquer cette maladie. Ce qui veut tout simplement dire que les causes de ce trouble sont multiples, à la fois génétiques, psychologiques et environnementales.
"Un traumatisme dans l’enfance peut constituer une situation de vulnérabilité au même titre qu'un terrain prédisposé génétiquement", dit Christian Gay. "Souvent, un deuil, une situation de stress comme la préparation d'un examen ou un choc émotionnel jouent le rôle de détonateur."
(1) "L'Intranquille", de Gérard Garouste et Judith Perrignon (Editions de l'Iconoclaste, 2009).
(2) "Vivre avec un maniaco-dépressif", de Christian Gay (Hachette, 2008).
(3) "Un fou dans l'art, confessions d'un serial collectionneur", de Jean Albou (Editions la Martinière, 2010).

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