woensdag 9 oktober 2013

Ces étrangers qui ont fait la science (en France)

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Le « Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France » a été lancé mercredi soir au Musée de l’immigration, à Paris. L'ouvrage consacre 90 personnalités qui se sont illustrées dans les sciences.

Marie Curie COLLECTION YLI/SIPA
Marie Curie COLLECTION YLI/SIPA
DES NOMS FAMILIERS. Ils sont 90 dans la rubrique « Sciences, mathématiques, médecine, psychanalyse » à apparaître dans ce Dictionnaire bien particulier qui vient de sortir « des étrangers qui ont fait la France » (1). Et les lecteurs de Sciences et Avenir y retrouveront bien des noms qui résonnent à leurs oreilles de manière familière : Marie Curie, Hubert Reeves, Georges Charpak, Benoît Mandelbrot, Alexandre Yersin, Anatole Abragam, Boris Ephrussi, Alexandre Grothendieck, Pierre Deligne, Miroslav Radman etc. Des pionniers (radioactivité, lutte contre la peste et autres maladies…) et des Nobel, prix Abel, médaille d’or du CNRS, conteur d’histoires du cosmos hors pair… Toutes personnalités qui avaient un « statut d’étranger à la naissance » (2). Des vivants et des morts, selon un choix difficile qui fera forcément des jaloux (et des regrets), absents des 1186 articles que compte le Dictionnaire. Nonobstant… quatre ans de travail pour couvrir la période remontant à 1789.

"Étranger. À expulser" : la mention portée sur le livret d'écrou du résistant Georges Charpak pendant la seconde guerre mondiale

Lancé mercredi soir au Musée de l’immigration, porte Dorée, avec une pompe que peu de livres reçoivent à leur sortie – clôture de la soirée par Manuel Valls (origine catalane d’Espagne, p. 870), le ministre de l’Intérieur en pleine tourmente « Roms » !- il était rappelé par l’ex-ministre Jacques Toubon (3) à quel point « notre histoire est singulière. Nous sommes les États-Unis d’Europe ».
SUPERBUG. Cocorico sauf que la « patrie d’adoption » n’est pas toujours à la hauteur, c’est le moins qu’on puisse dire ! Comme le rappelle l’article Marie Curie (née dans l’Empire russe, pp.257-260), « en 1934, sa mort fut ignorée par la République et ses obsèques se déroulèrent dans [une] quasi-indifférence ». Un superbug rattrapé en 1995, avec l’entrée de sa dépouille (et de celle de Pierre Curie) au Panthéon, « première femme de notre histoire honorée pour ses propres mérites » (discours de François Mitterrand, président de la République à l’époque). En trois pages, l’agrégé d’histoire Vincent Duclert aura aussi souligné à quel point Maria Salomea Sklodowska (de son nom d’enfant), honorée par les plus grands, tels Einstein et Planck, « demeure une étrangère victime de la xénophobie nationale ». Alors même que pendant la guerre de 14, elle avait mis sur pied « des unités mobiles appelées Les petites Curies » et réalisait, « sur le front, des radios sur les blessés ». Faut-il mourir pour être reconnu ?
Quant à Georges Charpak (d’origine juive polonaise, p. 210), l’attaque de l’article replonge dans les heures noires : « Étranger. À expulser ». C’était évidemment pendant la deuxième guerre mondiale, et c’était « la mention portée sur [son] livret d’écrou, à la centrale d’Eyssies (Lot-et-Garonne) après sa condamnation pour fait de résistance ». Avant d’être interné à Dachau (lire aussi « Merci monsieur Charpak »). Le prix Nobel de physique (1992), bien des années plus tard, se voyait en « déraciné, physicien, citoyen du monde », rappelle Anne-Françoise Garcon, professeur d’histoire des techniques à la Sorbonne, auteur de l’article.
MISSIONNAIRE. Heureusement, il y des histoires moins violentes. Le bien vivant Hubert Reeves (d’origine canadienne, pp. 707-708) devrait se reconnaître dans « une enfance qu’il qualifie « d’intensément francophone » et en missionnaire de « partage du savoir ». Il n’est pas rappelé dans l’article que son best-seller Patience dans l’Azur avait d’abord été refusé par à peu près toutes les maisons d’édition de la place de Paris, mais on ne peut pas faire des livres de 2000 ou 3000 pages, celui-ci en compte déjà 960.
Qui seront appréciées par bien d’autres que les seuls amateurs de l’univers scientifique. Car on trouve tout, tous et toutes, forcément, dans pareil dictionnaire : des peintres et des chanteurs de variétés, des acteurs et des écrivains, des philosophes et des syndicalistes, des hommes et femmes politiques, des journalistes… qui ont contribué au « roman national », dixit Jean-Luc Barré qui dirige la collection Bouquins.
Sans oublier les invisibles et les méconnus, voire ceux qui « ont exporté l’influence française dans leur nation » (par exemple Yougoslaves, pp. 932-939) auxquels 52 « notices communautaires » rendent hommage.
XÉNOPHILIE. Au fait, savez-vous ce que le 2 octobre (jour de lancement du livre) peut rappeler ? En 1925, ce furent les débuts de la « Revue Nègre », avec Joséphine Baker (née Freda Josephine MacDonald aux Etats-Unis, pp. 91-92). Allez, on va danser le charleston ! Parce qu’ici, il n’y a pas que de la xénophobie, mais aussi « la xénophilie, qui a nourri tant de passions françaises ; et l’on oublie trop volontiers la proportion considérable des métissages dans notre vie de tous les jours » écrit en préface Pascal Ory.
1) Sous la direction de Pascal Ory (professeur d’histoire à La Sorbonne) avec la collaboration de Marie-Claude Blanc-Chaléard (professeur d’histoire à l’université Paris-Ouest Nanterre La Défense, spécialiste de l’histoire de l’immigration), dans la collection Bouquins (éd. Robert Laffont), 30 euros.
2) Définition aussi rigoureuse que possible, qui exclut de jure nombre de personnalités de renom nées françaises dans les anciennes colonies, tel Kateb Yacine, ou dans les territoires d’outre-mer, tel Aimé Césaire…
3) Président du conseil d’orientation du musée.

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