Le temps passe, elle (Marguerite Duras) me téléphone : « Claude, il faut que tu lises "L’Amante anglaise", je crois qu’on peut faire du théâtre avec cela». Effectivement.
Ecrire sans penser actes, ou personnages lui a donné une liberté
totale, et à moi aussi. On pouvait donc faire théâtre d’un roman, d’un
récit.
Je travaille sur cette matière silencieuse. Je tente de faire en sorte que la façon dont l’acteur travaille cette matière crée des images, jamais imposées, dont s’empareront à leur tour les spectateurs. Lorsque j’ai créé «L’Amante Anglaise », avec Madeleine Renaud, assise sur une chaise, et Michaël Lonsdale, debout et l’interrogeant, le public à l’issue de la représentation avait vu de choses incroyables, l’escalier qui montait aux chambres, le pont d’où Claire Lasnes jetait le cadavre découpé en morceaux. Donc le public avait fait son propre spectacle, et c’est cela qui est important.
Ensuite, j’ai eu la chance de rencontrer Peter Handke, dont j’ai monté en 1974 « La chevauchée sur le lac de Constance ». A la création, la salle se vidait par moitié, les critiques ont été rudes. Le texte de Handke n’est pas écrit selon les lois du théâtre, mais comme un roman, avec des indications de climat, de lumière, et pour ses personnages, qu’il fallait déceler au fil de l’écriture, Handke s’était inspiré des stars du cinéma expressionniste allemand. Il fondait dans une même pâte théâtre, littérature et cinéma, et Duras a fait la même chose.
L’écriture est le grand transmetteur de sensations, et tout part de lui, et de sa part muette donc à priori invisible. Et il faut que l’acteur perçoive cette matière pour la transmettre. Ce qui implique un certain ralentissement du débit. Si on parle vite, comme dans la vie, c’est fini. Une des valeurs à laquelle je tiens le plus, avec le ralenti, c’est le silence, qui n’est pas un arrêt du langage, mais une catégorie du langage. Meschonnic l’a écrit, et Maeterlinck, beaucoup prouvé.
Je travaille sur cette matière silencieuse. Je tente de faire en sorte que la façon dont l’acteur travaille cette matière crée des images, jamais imposées, dont s’empareront à leur tour les spectateurs. Lorsque j’ai créé «L’Amante Anglaise », avec Madeleine Renaud, assise sur une chaise, et Michaël Lonsdale, debout et l’interrogeant, le public à l’issue de la représentation avait vu de choses incroyables, l’escalier qui montait aux chambres, le pont d’où Claire Lasnes jetait le cadavre découpé en morceaux. Donc le public avait fait son propre spectacle, et c’est cela qui est important.
Ensuite, j’ai eu la chance de rencontrer Peter Handke, dont j’ai monté en 1974 « La chevauchée sur le lac de Constance ». A la création, la salle se vidait par moitié, les critiques ont été rudes. Le texte de Handke n’est pas écrit selon les lois du théâtre, mais comme un roman, avec des indications de climat, de lumière, et pour ses personnages, qu’il fallait déceler au fil de l’écriture, Handke s’était inspiré des stars du cinéma expressionniste allemand. Il fondait dans une même pâte théâtre, littérature et cinéma, et Duras a fait la même chose.
L’écriture est le grand transmetteur de sensations, et tout part de lui, et de sa part muette donc à priori invisible. Et il faut que l’acteur perçoive cette matière pour la transmettre. Ce qui implique un certain ralentissement du débit. Si on parle vite, comme dans la vie, c’est fini. Une des valeurs à laquelle je tiens le plus, avec le ralenti, c’est le silence, qui n’est pas un arrêt du langage, mais une catégorie du langage. Meschonnic l’a écrit, et Maeterlinck, beaucoup prouvé.
Le
silence est une parole à plein temps, et il est de trois sortes. Il y a
le silence qui précède la prise de parole. Jamais un chef d’orchestre
ne commence l’exécution d’une œuvre sans passer par un instant de
silence. Il y a le silence qui suit les mots et permet aux échos générés
par le texte de se faire entendre. Et il y a un troisième silence,
beaucoup plus difficile pour les acteurs : comment parler sans détruire
le silence, comment mêler le son des mots avec la présence de cette
nappe silencieuse dont parlait Nathalie Sarraute. Tous ces silences sont
très présents dans « La barque le soir » où un individu à demi-mourant
dérive dans l’eau, la vase, les courants, remonte à la surface.
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