dinsdag 10 juni 2014

"Le Pen rappelle que son parti a des racines d'extrême droite, fascistes et antisémites"

"Dessous peu reluisants", "puant jeu de mots aux relents antisémites"... Les éditorialistes de la presse quotidienne reviennent sur la dernière saillie de Jean-Marie Le Pen.

Jean-Marie Le Pen, le 15 mai 2014. (AFP PHOTO / GUILLAUME SOUVANT) Jean-Marie Le Pen, le 15 mai 2014. (AFP PHOTO / GUILLAUME SOUVANT)
La nouvelle saillie "transgressive" du fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen renvoie le parti d'extrême droite à ses "origines peu recommandables" et menace la stratégie de "dédiabolisation" de sa fille, estiment mardi 10 juin les éditorialistes.
Alors que Marine Le Pen s'est employée depuis trois ans à "tenter de faire oublier le vieux socle xénophobe et antisémite" du FN, son père octogénaire revient "inlassablement" au "fondement du courant politique qu'il incarne depuis près de 40 ans", peut-on lire dans "Le Monde". Et ce "avec sa méthode habituelle, la saillie ricanante et transgressive. Et sur son terrain favori, l'antisémitisme..."
Ce nouveau dérapage contrôlé de Jean-Marie Le Pen témoigne, en effet, que, derrière le patient ripolinage de sa façade et de son discours, le Front national reste fidèle, dans ses profondeurs, à la radicalité d'extrême droite qui a fait et reste sa singularité. A cet égard, c'est une utile piqûre de rappel pour tous les démocrates et républicains."
Dans une vidéo postée la semaine dernière sur le site internet du FN et retirée depuis, Jean-Marie Le Pen répond en riant à propos du chanteur Patrick Bruel, de confession juive, "on fera une fournée la prochaine fois".

"Un groupuscule d'anciens 'collabos'"

Les déclarations de Jean-Marie Le Pen "renvoient le Front national à ses origines peu recommandables : un groupuscule d'anciens 'collabos', d'ex-partisans de l'Algérie française et d'ultranationalistes. Elles rappellent les dessous souvent peu reluisants d'un parti dont des membres sont régulièrement exclus pour des propos ou des attitudes racistes. Et elles donnent des arguments à ceux qui pensent comme Nigel Farage, le leader de l'Ukip britannique, que 'l'antisémitisme reste dans l'ADN' du FN", renchérit Stéphane Dupont dans "Les Echos".
Le Pen père rappelle à sa fille "que son parti a des racines d'extrême droite, fascistes et antisémites, racines qu'elle aurait mis tant d'ardeur à ripoliner. À la peinture à l'eau", dénonce Michel Guilloux dans "L'Humanité". "À moins que, pour certains beaux esprits séduits par l'oeil du serpent, l'apparence suffise."
"Décidément incurable et sans excuse", Jean-Marie Le Pen s'est livré à ce rappel, selon Jacques Camus, ("Groupe Centre France") "avec cette malice gourmande et vacharde que mettent les gérontes vaguement aigris à torpiller les ambitions de leurs insolents successeurs" : "Il est trop fin linguiste pour ne pas avoir utilisé le mot à dessein en sachant pouvoir s'abriter derrière un double sens. Il est trop roué pour ne pas avoir pensé qu'il allait gêner sa fille dans sa stratégie de 'dédiabolisation'."

"Un récidiviste notoire de 'l'antisémitisme insidieux'"

"Quand Marine 'dédiabolise', Jean-Marie 'transgresse'", résume Bruno Dive ("Sud-Ouest"). "Ces saillies douteuses ont au moins le mérite de poser à nouveau la question de la nature réelle du Front national. Est-il ce grand parti de droite juste un peu radical, que tente de nous présenter Marine Le Pen, et qui bientôt revendiquera l'héritage du général de Gaulle ? Ou reste-t-il fondamentalement ce conglomérat d'extrême-droite, héritiers de ceux qui ont condamné à mort le même De Gaulle en 1940 puis ont tenté de l'assassiner en 1962, ce refuge de réactionnaires et de racistes de tout poil ? Entre Marine et Jean-Marie, le Front hésite encore."
Et selon Laurent Bodin ("L'Alsace") "le puant jeu de mots aux relents antisémites" du "président d'honneur du FN, révèle au grand jour le désaccord de fond qui pointe entre le vieil homme, jamais avare d'une provocation, et sa fille" qui tente de faire du FN "une formation politique fréquentable".
"La 'fournée' que Jean-Marie Le Pen suggère de faire de Patrick Bruel et des artistes s'opposant au Front National n'est pas, comme l'estime Gilbert Collard, la saillie de trop d'un vieillard de 86 ans qui ferait bien de 'prendre sa retraite' politique. Aux yeux de la justice qui l'a condamné à plusieurs reprises, le fondateur du Front National est depuis des décennies un récidiviste notoire de 'l'antisémitisme insidieux' distillé à mots choisis", souligne Dominique Garraud dans "La Charente Libre".
"Cette collision idéologique frontale et inédite chez les Le Pen mérite l'attention en ce qu'elle rappelle d'où vient le Front National et la place de choix encore occupée par son patriarche sulfureux."

"Un vaudeville familial bien orchestré"

Le "diable vient de sortir de sa boîte", ironise Jean-Michel Servant du Midi Libre.
"Une blague de mauvais goût sur les juifs avec l'assurance du papy sénile et le tour est joué. Dans un vaudeville familial bien orchestré, sa fille chérie s'indigne aussitôt de cette 'faute politique', jure qu'elle ne mange plus de ce pain-là. Histoire de ne pas compromettre la fine couche de vernis qu'elle est train de poser sur la ligne du parti. Une indignation de façade car les mauvais délires de son vieux font le jeu du Front national. Ils renforcent la respectabilité de ses nouveaux dirigeants et rassurent son aile dure. Car même si les croix gammées ou les saluts nazis se font plus discrets dans les cortèges, le FN reste lié à l'extrême-droite radicale."
Et de dénoncer : "Visiblement, Marine Le Pen n'a pas le courage d'assumer ce discours en France. Ou de rompre une bonne fois pour toutes avec son père. C'est, peut-être, ce qui la perdra demain."
"S'il faut tuer le père comme nous dit la psychanalyse, Marine Le Pen ne semble pas prête à s'affranchir de la tutelle nauséabonde du président d'honneur et à vie du FN", analyse Alain Dusart dans l'Est Républicain qui décrit la présidente du FN comme "une reine de l'ambiguïté caricaturale". Car "chez les Le Pen, l'hydre fasciste ressurgit toujours."
"Les frontistes nouvelle vague ont beau simuler leur désapprobation, cette ignominie a été proférée sur le site internet officiel de leur parti."
La sortie de Jean-Marie Le Pen "est-elle préjudiciable pour le Front National ? Probablement pas", juge Patrice Chabanet dans "Le Journal de la Haute-Marne". "Elle permet à Marine Le Pen de se démarquer de son père et de poursuivre le travail de dédiabolisation de son parti. Qu'il y ait partage des rôles ou un vrai divorce idéologique entre les deux n'est pas très important. Objectivement, le Front national renforce, une fois de plus, sa présence sur la scène médiatique, après son ample victoire aux européennes. Objectivement encore, il ratisse large avec ou malgré cette zizanie familiale, qu'elle soit un stratagème ou l'expression d'un véritable différend."

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