Aux côtés de Jean Daniel et Claude Perdriel dès la fondation du journal, Josette Alia nous a quittés jeudi soir. Laurent Joffrin rend hommage à cette "amazone de la plume".
Josette Alia était LA journaliste. De ce métier artisanal et
bizarre, précieux et décrié, frivole et grave, elle possédait toutes
les qualités, tous les secrets, tous les talents. Avec Françoise Giroud,
Michèle Cotta, Catherine Nay ou Christine Clerc, elle était de ce
groupe d'amazones de la plume qui en remontrait sans cesse aux vedettes
machistes de la presse établie. Aussi féminine que féministe, elle a
ouvert la voie à la parité dans une profession restée si longtemps
masculine. S'il y a tant de femmes journalistes aujourd'hui, en
politique, en économie ou dans les pays en guerre, elles le doivent en
partie, sans forcément le savoir, à Josette Alia.
Il n'y avait pas, pour elle, de petits et de grands sujets. Il n'y avait que des histoires à raconter, des témoins à faire parler, des faits embrouillés à clarifier, des conseils pratiques à dispenser et des drames mondiaux à restituer. Josette était spécialiste du Proche-Orient et des crèmes de beauté, des conflits du Maghreb et du salaire des Français, de la dissuasion nucléaire, de la pilule ou du Liban déchiré par la guerre civile. Elle fréquentait les généraux et les starlettes, les hommes d'Etat et les créateurs de mode, les voyantes et les experts en armement.
Elle changeait de monde comme de robe, de spécialité comme de pays, elle virevoltait d'une guerre à l'autre et d'une mode à l'autre, sans jamais perdre une once d'énergie ou d'enthousiasme. Et sur aucun de ces sujets, du plus solennel au plus futile, elle ne se laissait prendre en défaut d'information ou d'analyse. L'anecdote était reine dans ses articles, mais c'était au service de la pédagogie du monde, parce que les "petits faits vrais" sont les ingrédients de base de toute explication sérieuse de l'actualité.
Josette avait débuté en Tunisie comme correspondante du "Monde", aux temps de la fraîche indépendance et du pouvoir de Bourguiba, émancipateur, tour à tour bonhomme et incommode. Elle y avait gagné une réputation, un amour éternel du pays et un mari, Raouf, médecin pédiatre d'élite et de coeur, qui fut toute sa vie le point fixe d'une existence tourbillonnante.
Elle fut ensuite de l'aventure de "l'Obs", dès l'origine, grand reporter des conflits et des tendances de société, interlocutrice des grands acteurs de l'actualité et messagère des signaux faibles de l'air du temps. Prix Albert Londres, confidente de Mendès et de Mitterrand, de Boumedienne et de Shimon Peres, elle raboutait aussi, dès qu'on le lui demandait, les dossiers incomplets, les enquêtes de société incertaines, les récits politiques mal emmanchés.
Idéale dans une rédaction, elle ne connaissait d'autre posture que l'enthousiasme, la générosité, la drôlerie et la curiosité. Frappée tôt par la maladie, elle lui a résisté longtemps, le sourire aux lèvres, jusqu'à la tenir en respect pour de longues années, sans en paraître affectée ni même importunée. Elle se battait en travaillant. Un journaliste blasé, disait-elle, doit changer de métier dans l'heure. Et tout était pour elle neuf et passionnant.
Laurent Joffrin - Le Nouvel Observateur
Il n'y avait pas, pour elle, de petits et de grands sujets. Il n'y avait que des histoires à raconter, des témoins à faire parler, des faits embrouillés à clarifier, des conseils pratiques à dispenser et des drames mondiaux à restituer. Josette était spécialiste du Proche-Orient et des crèmes de beauté, des conflits du Maghreb et du salaire des Français, de la dissuasion nucléaire, de la pilule ou du Liban déchiré par la guerre civile. Elle fréquentait les généraux et les starlettes, les hommes d'Etat et les créateurs de mode, les voyantes et les experts en armement.
Elle changeait de monde comme de robe, de spécialité comme de pays, elle virevoltait d'une guerre à l'autre et d'une mode à l'autre, sans jamais perdre une once d'énergie ou d'enthousiasme. Et sur aucun de ces sujets, du plus solennel au plus futile, elle ne se laissait prendre en défaut d'information ou d'analyse. L'anecdote était reine dans ses articles, mais c'était au service de la pédagogie du monde, parce que les "petits faits vrais" sont les ingrédients de base de toute explication sérieuse de l'actualité.
Elle se battait en travaillant
Pour un rédacteur en chef, Josette Alia était la plus déconcertante des reporters, annonçant ses articles dans une profusion d'angles, de questions et d'angoisses, mêlant à loisir son inquiétude professionnelle inépuisable avec le récit picaresque de ses soucis domestiques, saisie de fous-rires inopinés et de saintes colères, laissant présager au non-averti une prose incongrue, baroque et confuse. Mais quand la tempête s'apaisait et qu'elle s'asseyait devant son écran, les feuillets tombaient comme d'une usine, sans ratures ni hésitations, précis et vivants, le tout à une vitesse surnaturelle.Josette avait débuté en Tunisie comme correspondante du "Monde", aux temps de la fraîche indépendance et du pouvoir de Bourguiba, émancipateur, tour à tour bonhomme et incommode. Elle y avait gagné une réputation, un amour éternel du pays et un mari, Raouf, médecin pédiatre d'élite et de coeur, qui fut toute sa vie le point fixe d'une existence tourbillonnante.
Elle fut ensuite de l'aventure de "l'Obs", dès l'origine, grand reporter des conflits et des tendances de société, interlocutrice des grands acteurs de l'actualité et messagère des signaux faibles de l'air du temps. Prix Albert Londres, confidente de Mendès et de Mitterrand, de Boumedienne et de Shimon Peres, elle raboutait aussi, dès qu'on le lui demandait, les dossiers incomplets, les enquêtes de société incertaines, les récits politiques mal emmanchés.
Idéale dans une rédaction, elle ne connaissait d'autre posture que l'enthousiasme, la générosité, la drôlerie et la curiosité. Frappée tôt par la maladie, elle lui a résisté longtemps, le sourire aux lèvres, jusqu'à la tenir en respect pour de longues années, sans en paraître affectée ni même importunée. Elle se battait en travaillant. Un journaliste blasé, disait-elle, doit changer de métier dans l'heure. Et tout était pour elle neuf et passionnant.
Josette Alia,
en 1984, sur le plateau de l'émission "Droit de réponse" consacrée au
20e anniversaire du "Nouvel Observateur". Avec Michel Polac, Jean
Daniel, Serge Lafaurie, Jacques Julliard et Claude Perdriel
(Rebours/Sipa).
Avec Jean Daniel, Claude Perdriel,
Hector de Galard, Serge Lafaurie, Pierre Bénichou, Jacques Julliard et
quelques autres, elle fut de la troupe improbable et brillante des
fondateurs, qui a assuré le succès de notre journal. Josette dépensera
désormais sa curiosité dans un autre monde. Elle criblera Saint-Pierre
de questions baroques sur les desseins ultimes du Seigneur et la
longueur des robes portées par les anges. Avec elle, "l'Obs" perd son
égérie. Et ceux qui l'ont connue, la grande soeur qu'ils ont tous rêvé
d'avoir.Laurent Joffrin - Le Nouvel Observateur
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