donderdag 2 juni 2016

Envie de lecture ? 10 bons livres pour le retour du printemps

Envie de lecture ? 10 bons livres pour le retour du printemps

La sélection de BibliObs ((C Sandes Anderson/Domaine public))

Au menu : Céline ressuscité, une apologie des villes françaises les plus détestées, une farce SF, une promenade en jungle, et bien d'autres choses.


  • Dans la tête de Céline


    C’est l’idée la plus casse-gueule de l’hiver dernier: raconter la dernière nuit de Louis-Ferdinand Céline, en faisant causer sa «cervelle qui tourne omelette» (allez donc manier le français comme dans «Mort à crédit»). Sous la plume acrobate d’Isabelle Bunisset, par ailleurs auteur d’une thèse sur la dérision chez Céline, l’idée a accouché d’un premier roman assez spectaculaire.
    Son étrange exercice de ventriloquie a l’intelligence de fuir les tics trop connus de l’écrivain (la ponctuation enragée). Restent ses tocs, enfilés ici avec un lyrisme fiévreux: la paranoïa olympique de ce «cabotin foireux total»; la conscience et l’obsession d’être un génie de la trempe de Flaubert; la hantise raciste de «l’invasion insidieuse» des «bridés»; la douleur de n’avoir pu enterrer sa mère, «morte toute seule sur un banc avenue de Clichy, 6 mars 45»; la volonté masochiste d’écrire, jusqu’à l’ultime seconde, le final de «Rigodon» («de ces profondeurs pétillantes que plus rien existe»). Jusqu’où peut-on aller dans l’empathie avec l’auteur de «Bagatelles pour un massacre»? «Vers la nuit» a la faiblesse de laisser chaque lecteur se débrouiller avec la question. Ça fait aussi sa force. Grégoire Leménager
    VERS LA NUIT, PAR ISABELLE BUNISSET, FLAMMARION, 138 P., 15 EUROS.
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    Label "sauvage" 


    Inspiré par un fait divers - la noyade d'une adolescente dans la Chattooga -, le livre de Ron Rash, paru en 2004 aux Etats-Unis, s'ancre d'abord dans un paysage, la Caroline du Sud où il est né et qu'il excelle à décrire. C'est autour des eaux de la Tamassee qu'il a bâti ce magnifique roman écologique. Après que son courant a emporté la petite Ruth Kowalsky, les plongeurs ne parviennent pas à extraire son corps, coincé sous un rocher. S'engage alors un combat sans merci. Le père de la victime veut installer un barrage amovible pour détourner le cours. Les militants environnementaux de la région s'y opposent. Pour eux, la rivière qui a obtenu le label «sauvage» constitue un cercueil naturel pour l'enfant.
    Très vite, les enjeux de ce drame deviennent médiatiques, politiciens, financiers. Maggie, une photographe de presse originaire du comté, vient couvrir l'affaire avec Allen, un brillant journaliste. L'atmosphère est celle d'un thriller, les affects et les passions se déchaînent dans ce décor étincelant. La difficile remontée du corps vers la lumière depuis les profondeurs boueuses est une saisissante métaphore mystique. La puissante nature semble défier la loi des hommes et leurs manigances. Ron Rash, poète et romancier couronné de nombreux prix, a écrit là une manière de chef-d'œuvre. Claire Julliard
    LE CHANT DE LA TAMASSEE, PAR RON RASH, TRADUIT DE L'ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR ISABELLE REINHAREZ, SEUIL, 240 P., 19 EUROS.

    L’ivre de la jungle

    Un an après «le Voyage d'Octavio», délicieux premier roman en forme de conte picaresque, c'est un autre genre de périple que raconte ici Miguel Bonnefoy: ce jeune Vénézuélien s'est laissé embarquer, pendant deux semaines, dans une forêt amazonienne où «peu de choses figurent sur une carte». Elle s'est avérée pleine de mygales, de trous particulièrement traîtres, et de rongeurs gros comme des chats qui ont attaqué ses sacs de nourriture.
    Il y a découvert ce qu'est la panique, mais a aussi compris qu'«on contemple la jungle comme on contemple un ciel étoilé: rien ne bouge, et cependant tout semble habité». Il s'est demandé «comment tailler un adjectif pour qu'il ait la forme d'une racine», et a cherché des mots pour dire l'indicible «sensation de la jungle, ce mélange de resserrement et d'immensité, cette impression d'être soumis à sa grandeur et la révolte qu'elle génère». Il les a souvent trouvés; on transpire en le lisant. C'est un écrivain qu'il faudra suivre à la trace. Grégoire Leménager
    JUNGLE, PAR MIGUEL BONNEFOY, PAULSEN, 128 P. , 19,50 EUROS.

    Propos recueillis

    Rachel Cusk s'est fait connaître en France en 2007 avec «Arlington Park», dissection psychologique en règle d'une poignée de mères au foyer aussi désespérées que dans la fameuse série américaine. Isabelle Czajka l'avait adapté au cinéma en 2013 sous le titre «la Vie domestique», avec une épatante Emmanuelle Devos. Chacun des romans de Rachel Cusk, dont la veine féministe, cérébrale et cruelle, emprunte à Virginia Woolf, est une variation sur le thème de l'incompréhension irréductible entre les femmes et les hommes.
    « Disent-ils », dont le titre fait écho à Nathalie Sarraute à dessein, met en scène une narratrice, romancière britannique qui se rend à Athènes pour y animer pendant deux jours un atelier d'écriture. Elle ne livre que très peu de détails sur elle-même, préférant s'effacer derrière les confessions de ceux qu'elle rencontre, comme son voisin dans l'avion, fils de riches armateurs, marié et divorcé trois fois, ou ses amis grecs, empêtrés dans leurs doutes existentiels. Le filtre subjectif de ces conversations et des réflexions qu'elles inspirent à sa narratrice permet à Cusk de faire une brillante démonstration de ce que Louis Calaferte avait autrefois formulé en ces termes: «A tous égards, les autres nous sont un rétrécissement.» Véronique Cassarin-Grand
    DISENT-ILS, PAR RACHEL CUSK, TRADUIT PAR CÉLINE LEROY, L'OLIVIER, 208 P. , 21 EUROS.

    Les métamorphoses

    En exergue, Cioran : «Les sources d’un écrivain, ce sont ses hontes.» A l’intérieur, une prose qui coule de source, précisément. C’est celle d’un homme qui, voyant la soixantaine approcher, contemple ses métamorphoses et les tragédies qui l’ont ravagé. Prolongeant le déchirant «Qu’as-tu fait de tes frères ?», Claude Arnaud revient ici sur les tragiques disparitions de ses brillants aînés, sur une jeunesse erratique faite de coucheries en tous genres, sur des engagements révolutionnaires passés de mode, et sur l’individu qu’il est devenu, le jour où il a compris que, «patriarche improbable» de sa famille à 43 ans, il était désormais «l’unique responsable de son sort».
    Ce « survivant d’une histoire triste» touchait alors le fond du trou. Il lui restait à découvrir Haïti, «pays sans chapeau» où l’on sait le goût de la vie et des mangues, mais aussi l’être solaire qui allait devenir sa femme, lui qui avait tant aimé les hommes. «Il est possible d’assumer plus d’une identité dans une vie», note ce biographe de Cocteau. Sa confession est celle d’un enfant du siècle dernier, effaré par ce que sa génération en a fait. Il ne se reconnaît plus, mais s’est trouvé. Grégoire Leménager
    JE NE VOULAIS PAS ÊTRE MOI, PAR CLAUDE ARNAUD, GRASSET, 176 P., 17 EUROS.

    Les singes du futur

    Les lecteurs de Sibylle Grimbert connaissent son appétence pour les personnalités borderline, les personnages à l’identité floue qui tentent de s’arrimer à une réalité toujours fuyante. Ils ne vont pas être déçus. «Avant les singes» va les soumettre à une expérience profondément déstabilisante en les faisant glisser dès les premières lignes, telle l’Alice de Lewis Carroll, dans un univers fantastique où la perception de l’espace, du temps, des identités et même du langage est soumise à d’incessants brouillages.
    On présuppose que Sabine (Sibylle Grimbert reprend à dessein le prénom des héroïnes de ses précédents romans comme autant d’avatars) arrive à Zermatt. Vient-elle rejoindre dans un hôtel son mari, inventeur de «Yourself», une sorte de Soma huxleyien qui permet, «tout en restant calme et serein, d’être soi»? Pourquoi se retrouve-t-elle alors ligotée après un vif échange entre «omelettistes» et «pizzaïstes»? Que fait là sa mère? Comment expliquer que tout le monde se duplique et qu’elle puisse converser avec un singe venu du futur? Dans cette farce cauchemardesque, Sibylle Grimbert livre une interprétation sidérante du paradoxe de notre existence éphémère confrontée à l’éternel engendrement des possibles. Véronique Cassarin-Grand
    AVANT LES SINGES, PAR SIBYLLE GRIMBERT, ANNE CARRIÈRE, 250 P., 18 EUROS.

    Chez Orwell

    Pour Ray, un commercial de Chicago qui a décidé de prendre quelques années sabbatiques, c’est presque un voyage initiatique: il a loué à Jura, une île perdue au large de l’Ecosse, la maison où George Orwell a écrit le livre que Ray vénère comme une bible: «1984». En rupture avec sa vie d’avant, Ray aspire à vivre seul, loin des tumultueuses mégapoles et des tourments de l’hypercommunication. Il va être servi: après trente-six heures de voyage, il échoue, sous une pluie insistante, dans un village peuplé de péquenauds qui boivent du whisky comme du petit lait.
    Mais son rêve devient réalité: le voici à Barnhill, dans la maison où Orwell, entre 1946 et 1949, luttant contre la tuberculose et les vents dominants, réussit à venir à bout de son livre le plus célèbre. Seul hic : un loup-garou rôde aux alentours, qui dépose tous les jours un animal dépecé sur le perron de la maison. Pis encore, une intrépide adolescente, Molly, décide de s’installer à Barnhill, s’attirant les foudres de son père qui voit déjà, en Ray, l’homme à abattre. Avec un sens de l’humour hors du commun, le jeune romancier américain Andrew Ervin, dont c’est le premier roman, fait chauffer l’éthylotest, et ça fait du bien par où ça passe. Didier Jacob
    L’INCENDIE DE LA MAISON DE GEORGE ORWELL, PAR ANDREW ERVIN, TRADUIT PAR MARC WEITZMANN, JOËLLE LOSFELD, 245 P., 22 EUROS.

    L’homme contre les algorithmes


    Il y a cinquante ans, lorsque «Cassie», le programme de prévisions financières que Joe Haak avait élaboré pour la banque de la City dans laquelle il travaillait, avait annoncé l'imminence d'une apocalypse économique et sanitaire, il avait fui Londres et roulé au hasard jusqu'à Saint-Piran, un minuscule village au fin fond des Cornouailles. On l'avait retrouvé nu sur la plage, sauvé de la noyade par une baleine. Depuis, chaque 24 décembre, les habitants de Saint-Piran célèbrent la «fête de la Baleine», un hommage au cétacé qui semblait s'être volontairement échoué pour permettre à la petite communauté d'éviter la famine et de survivre à la crise planétaire, et à ce jeune analyste financier idéaliste qui avait investi l'intégralité de ses économies dans des produits d'épicerie.
    Si John Ironmonger emprunte au mythe de Jonas et la baleine et à «Effondrement» du scientifique américain Jared Diamond (qu'il a même rencontré pour vérifier la plausibilité de son intrigue), c'est pour mieux nous convaincre de la joyeuse morale de ce conte philosophique. La nature humaine, malgré ses innombrables défauts, a bien plus ressources que n'en pourront jamais intégrer les algorithmes. Véronique Cassarin-Grand
    SANS OUBLIER LA BALEINE, PAR JOHN IRONMONGER, TRADUIT DE L'ANGLAIS PAR CHRISTINE BARBASTE, STOCK, 422 P. , 22 EUROS.

    Un bipolaire sous la Révolution

    Les Français n'ont jamais tant pris la plume qu'en 1789. Chez le citoyen Laurent Lecointre, négociant versaillais aux premières loges de la Révolution, cela tourna à la pathologie. Pour écrire «le Bouffon de la montagne», Christophe Bigot, professeur de lettres et d'épopées révolutionnaires, a scruté la moindre page de ce graphomane qui, des journées d'octobre 1789 à celles de thermidor, courut après la gloire au péril de sa vie et de sa réputation tout en couchant sur le papier les oscillations de son humeur.
    On le retrouve un jour au plus bas, n'osant pas se présenter à la députation pour complaire au royalisme sentimental de son épouse, un autre jour au plus haut, dispersant son pécule pour recevoir à sa table Mirabeau et Marat. En le montrant tour à tour suicidaire et exalté, incapable de satisfaire un cœur qui balance «entre Jacobins et Cordeliers, la Convention et la Commune, les bancs de la représentation nationale et le pavé des faubourgs», Bigot nous conte avec brio et loufoquerie les tribulations d'un bipolaire sous la Révolution. Anne Crignon
    LE BOUFFON DE LA MONTAGNE, PAR CHRISTOPHE BIGOT, LA MARTINIÈRE, 377 P. , 20 EUROS.

    Les villes qui font fuir

    « Et gloire à Don Juan, chantait Brassens, d'avoir pris rendez-vous/avec la délaissée que l'amour désavoue.» Vincent Noyoux est un homme qui mérite semblables louanges. Auteur reconnu de guides de voyages, il aurait pu, comme tant de ses confrères, continuer à faire son malin sur notes de frais en allant se prélasser dans les destinations qui font rêver. Il a affronté celles qui font fuir: Vesoul, Guéret, Cergy-Pontoise, Verdun, toutes ces malheureuses cités écrasées par une chanson moqueuse, une tenace réputation d'ennui ou un passé joyeux comme un ossuaire.
    Ayant survécu à tous les périls, dont une plongée dans les zones industrielles de Mulhouse par grand froid, une visite des abattoirs de Haute-Saône et une désopilante séance de l'atelier «colopathie fonctionnelle» tenue dans les thermes de Châtel-Guyon, l'homme revient de son périple avec un livre irrésistible de drôlerie et de finesse, qui n'a évidemment pour but que de retourner nos stupides préjugés. Toutes ces mal-aimées de la géographie abondent en humains chaleureux et en trésors méconnus que l'on est content de voir réhabilités avec autant de talent. François Reynaert
    TOUR DE FRANCE DES VILLES INCOMPRISES, PAR VINCENT NOYOUX, ÉD. DU TRÉSOR, 220 P. , 18 EUROS.

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