dinsdag 11 juni 2013

Le divan de Freud a entendu plus de secrets que n'importe quel confessionnal. Aujourd'hui, il part en quenouille.

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Freud Museum cherche 5855 euros pour restaurer divan

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Le fameux divan de Freud a entendu plus de secrets que le confessionnal d'un "prêtre catholique à l'apogée de sa popularité". Aujourd'hui, il part en quenouille. (©AP/SIPA)
Le fameux divan de Freud a entendu plus de secrets que le confessionnal d'un "prêtre catholique à l'apogée de sa popularité". Aujourd'hui, il part en quenouille. (©AP/SIPA)
DE NOTRE CORRESPONDANTE A LONDRES
Des décennies à supporter les maux de l'esprit, et voilà que le divan de Freud part en quenouille. C'est un divan victorien de crin ancien, recouvert de tapis nomades et rehaussé de coussins. A Vienne, en 1933, en cure avec le docteur Freud, la poétesse Hilda Doolittle le trouva un peu court, mais, disait-elle, ce meuble de légende détient plus de secrets que le confessionnal d'un «prêtre catholique romain à l'apogée de sa popularité». Il conserve l'aura des origines de la psychanalyse, quand se démêlaient les «écheveaux embrouillés de l'inconscient».
C'est à Londres, dernière demeure de Freud, qu'il faut chercher l'original. A Vienne, à Berlin, ce sont des faux. «Intéressant de constater que le divan se trouve ici en Angleterre, patrie du common sense par excellence», s'amuse Lisa Appignanesi, présidente du conseil d'administration du Freud Museum, sur les hauteurs de Hampstead.
Pour l'anniversaire de la naissance de l'homme à la barbe, le musée, désargenté, a fait appel aux donations afin de restaurer la célèbre icône. Coût estimé: 5000 livres sterling (5855 euros). Avec les années, le matelas s'affaisse, les fils s'usent. Comme la psychanalyse, diront ses contempteurs. Ici, on est plutôt avec les fans, dans un «lieu de pèlerinage qui permet une plongée au coeur des idées qui ont façonné le monde moderne». Sophie Calle, Louise Bourgeois ont exposé ici. Mais les musées non subventionnés doivent savoir s'autoriser des clins d'oeil: la boutique vend des chaussons à lunettes (slippers en anglais) inspirés par le Freudian slip («lapsus» en français); le fameux divan se décline en marionnette pour enfant.
Freud
SIGMUND FREUD, né en 1856 à Freiberg (Autriche), est mort à Londres le 23 septembre 1939. Entre-temps, ce neurologue avait inventé la psychanalyse. (SIPA)
Quand Sigmund Freud arrive à Londres en juin 1938, c'est un homme fatigué. L'Allemagne vient d'annexer l'Autriche. Son cancer le taraude depuis des années; il lui reste un an à vivre. Sur les contreforts de Hampstead, au 20, Maresfield Gardens, son fils Ernst, architecte, lui a trouvé cette maison en septembre. A Paris, sa bienfaitrice Marie Bonaparte a financé son exil. Les relations de cette dernière ont été déterminantes dans une Europe prise en étau par le nazisme. Elle s'est occupée du transfert de ses biens.
A Londres, Martha et sa fille Anna vont recréer l'univers familier de Freud dans cette maison-refuge, dont il adore le jardin. Sa chère bibliothèque, ses trésors, son cabinet de curiosités, ses bronzes... Et au coeur de ce monde le divan qu'une de ses patientes, Mme Benvenisti, lui avait donné aux alentours de 1890.

«Entre le boudoir et la médecine»

Dans la pénombre londonienne, calquée sur l'ambiance viennoise du 19, Berggasse, le mystère freudien reste entier. A l'entrée, le bas-relief de «Gradiva» - «celle qui marche», si chère aux surréalistes. Sur le bureau,les statuettes des dieux grecs et égyptiens.
Le tapis de la tribu kachkaï, offert par un cousin de Freud, recouvre le canapé. Impossible de vérifier l'état précis de la chose; un cordon rouge prévient toute tentation de s'y installer. Les patients ne s'allongent d'ailleurs plus depuis longtemps à côté de la chaise verte où le fondateur de la psychanalyse prenait place, à l'abri des regards car il ne peut pas «[se] laisser observer huit heures par jour», comme il le déclare à un ami.
Dans le cabinet viennois, au-dessus du divan, les patients pouvaient voir une image du temple d'Abou-Simbel. A Londres, c'est un hommage au professeur Jean-Martin Charcot, dont Freud fut quelques mois l'élève et traduisit en allemand les «Leçons du mardi à la Salpêtrière» (1887-1888).
« Ce n'est pas un divan chirurgical. Plutôt entre le boudoir et la médecine. Un centre intime où tout peut être dit», continue Lisa Appignanesi, auteur de «Mad, Bad and Sad» (Virago). Rien d'extraordinaire dans ce meuble typique de la fin du XIXe, n'étaient les patients célèbres qui s'y sont allongés et les théories qu'ils inspirèrent: «l'homme aux loups», alias Sergueï Pankejef, la plus longue cure de Freud (de janvier 1910 à juin 1914), qui l'estima guéri - ce que le patient contestera plus tard; Ida Bauer, le vrai nom de la célèbre hystérique «Dora»; ou encore Ernst Lanzer, à la névrose obsessionnelle, passé à la postérité comme «l'homme aux rats».
Pour le reste, les analystes freudiens sont plutôt rares outre-Manche; le «Keep calm and carry on» et le stoïcisme britannique s'accommodent mal de l'introspection Mitteleuropa.

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