Par Louis Morice
Le jardinier en chef à Versailles Alain Baraton raconte comment, en France, le chrysanthème s'est retrouvé associé au jour des morts. Interview.
La fréquentation des cimetières en France est en baisse et,
logiquement, les tombes sont de moins en moins fleuries. Pourtant, à
l'instar du muguet le 1er mai, le chrysanthème reste la star
incontournable de la Toussaint. Jardinier en chef du Grand parc de
Versailles mais aussi chroniqueur sur France Inter, Alain Baraton nous raconte l'étonnante destinée de cette plante arrivée en France au XVIIIe siècle.
Le chrysanthème a-t-il toujours été associé à la mort ?
- C'est amusant de voir qu'en France le chrysanthème est devenu une plante mortuaire, utilisée pour orner les tombes lors des fêtes de novembre alors qu'en Asie, il est symbole de joie, de gaité et d'éternité. Comme je suis un grand romantique, je vais vous parler du langage des fleurs qui comptait beaucoup au XIXe siècle : à l'époque, quand vous offriez un bouquet de chrysanthèmes, cela signifiait l'amour absolu. Aujourd'hui, si vous en offrez un pot pour une soirée galante, je ne suis pas sûr que la dame apprécie beaucoup. Le chrysanthème est devenu la fleur des morts lorsque Raymond Poincaré, en 1919, avait exigé que tous les monuments aux morts de France soient fleuris. Si cette fleur est devenue emblématique de la Toussaint, c'est tout simplement que c'est l'une des rares qui soient encore, du point de vue floraison, spectaculaire à cette période. Avec une trentaine de milliers de monuments aux morts en France, la décision de Raymond Poincaré a donné un essor commercial énorme au chrysanthème !
Son statut bascule donc à la fin de la Première Guerre mondiale ?
- L'image que l'on a de l'armistice, ce sont ces femmes tout de noir vêtues qui portent sur la tombe de leur défunt mari des chrysanthèmes. On l'appelait d'ailleurs la fleur des veuves. Comment voulez-vous qu'une plante résiste à une telle appellation ?
Et d'où vient cette fleur ?
- Le chrysanthème a été rapporté d'Asie. Son nom signifie plante à fleurs jaunes car à l'origine, ils étaient jaunes. Les Chinois les cultivaient il y a 2.000 ans. Ils les vénéraient et les travaillaient un peu à la manière des bonzaïs. En Asie, cette plante a une symbolique démente. A Tokyo, tous les ans, dans le parc principal, est exposé une présentation de chrysanthèmes spectaculaire. Les Tokyoïtes s'y rendent par dizaines de milliers. Offrir des chrysanthèmes au Japon, c'est un symbole d'éternité, de grandeur, d'excellence. C'est la plante la plus parfaite qui soit. Sa fleur est d'ailleurs le symbole de la famille impériale.
Le succès de cette plante est-il limité à l'Asie et à la France ?
- Le chrysanthème est la plante la plus vendue au monde. Et il n'y a qu'en France qu'on lui donne cette connotation mortuaire. Lorsqu'il a été introduit en France, aux alentours des années 1770, la plante été considérée comme merveilleuse, sublime et extraordinaire. Les botanistes n'auront de cesse de la reproduire, de l'améliorer. Il existe quantité de chrysanthèmes dont certains sont d'une beauté et d'une finesse vraiment agréables.
La France est-elle un grand producteur de chrysanthèmes ?
- C'est, en tout cas, un pays qui en consomme beaucoup ! En termes de plante mortuaire, chaque année, 25 millions de pots de chrysanthèmes sont déposés sur les tombes en France. C'est considérable. Mais ce n'est rien par rapport à des pays comme le Japon ou les Etats-Unis qui cultivent la plante comme fleurs à couper. A l'échelle mondiale, nous restons donc un petit pays producteur.
Cette plante est-elle condamnée à perpétuité pour la Toussaint ?
- Il y a eu des essais de débaptiser certaines variétés pour les vendre sous un autre nom pour essayer de redonner une autre réputation à la fleur mais c'est très difficile. Il m'est arrivé d'offrir un petit chrysanthème à petites fleurs vraiment joli, produit ici à Versailles, mais dès que vous dites chrysanthème, ça reste la plante des tombes. Et puis, quand on voit les horticulteurs qui sortent ces gros chrysanthèmes avec des têtes énormes, violacées, c'est à se mettre une balle dans la tête. Il ne faut vraiment pas aimer la personne pour mettre ça sur sa tombe !
Propos recueillis par Louis Morice - Le Nouvel Observateur
Le chrysanthème a-t-il toujours été associé à la mort ?
- C'est amusant de voir qu'en France le chrysanthème est devenu une plante mortuaire, utilisée pour orner les tombes lors des fêtes de novembre alors qu'en Asie, il est symbole de joie, de gaité et d'éternité. Comme je suis un grand romantique, je vais vous parler du langage des fleurs qui comptait beaucoup au XIXe siècle : à l'époque, quand vous offriez un bouquet de chrysanthèmes, cela signifiait l'amour absolu. Aujourd'hui, si vous en offrez un pot pour une soirée galante, je ne suis pas sûr que la dame apprécie beaucoup. Le chrysanthème est devenu la fleur des morts lorsque Raymond Poincaré, en 1919, avait exigé que tous les monuments aux morts de France soient fleuris. Si cette fleur est devenue emblématique de la Toussaint, c'est tout simplement que c'est l'une des rares qui soient encore, du point de vue floraison, spectaculaire à cette période. Avec une trentaine de milliers de monuments aux morts en France, la décision de Raymond Poincaré a donné un essor commercial énorme au chrysanthème !
Son statut bascule donc à la fin de la Première Guerre mondiale ?
- L'image que l'on a de l'armistice, ce sont ces femmes tout de noir vêtues qui portent sur la tombe de leur défunt mari des chrysanthèmes. On l'appelait d'ailleurs la fleur des veuves. Comment voulez-vous qu'une plante résiste à une telle appellation ?
Marchande de chrysanthèmes à Toulouse en 1946 (Collection Ribière - Sipa) |
- Le chrysanthème a été rapporté d'Asie. Son nom signifie plante à fleurs jaunes car à l'origine, ils étaient jaunes. Les Chinois les cultivaient il y a 2.000 ans. Ils les vénéraient et les travaillaient un peu à la manière des bonzaïs. En Asie, cette plante a une symbolique démente. A Tokyo, tous les ans, dans le parc principal, est exposé une présentation de chrysanthèmes spectaculaire. Les Tokyoïtes s'y rendent par dizaines de milliers. Offrir des chrysanthèmes au Japon, c'est un symbole d'éternité, de grandeur, d'excellence. C'est la plante la plus parfaite qui soit. Sa fleur est d'ailleurs le symbole de la famille impériale.
Le succès de cette plante est-il limité à l'Asie et à la France ?
- Le chrysanthème est la plante la plus vendue au monde. Et il n'y a qu'en France qu'on lui donne cette connotation mortuaire. Lorsqu'il a été introduit en France, aux alentours des années 1770, la plante été considérée comme merveilleuse, sublime et extraordinaire. Les botanistes n'auront de cesse de la reproduire, de l'améliorer. Il existe quantité de chrysanthèmes dont certains sont d'une beauté et d'une finesse vraiment agréables.
La France est-elle un grand producteur de chrysanthèmes ?
- C'est, en tout cas, un pays qui en consomme beaucoup ! En termes de plante mortuaire, chaque année, 25 millions de pots de chrysanthèmes sont déposés sur les tombes en France. C'est considérable. Mais ce n'est rien par rapport à des pays comme le Japon ou les Etats-Unis qui cultivent la plante comme fleurs à couper. A l'échelle mondiale, nous restons donc un petit pays producteur.
Cette plante est-elle condamnée à perpétuité pour la Toussaint ?
- Il y a eu des essais de débaptiser certaines variétés pour les vendre sous un autre nom pour essayer de redonner une autre réputation à la fleur mais c'est très difficile. Il m'est arrivé d'offrir un petit chrysanthème à petites fleurs vraiment joli, produit ici à Versailles, mais dès que vous dites chrysanthème, ça reste la plante des tombes. Et puis, quand on voit les horticulteurs qui sortent ces gros chrysanthèmes avec des têtes énormes, violacées, c'est à se mettre une balle dans la tête. Il ne faut vraiment pas aimer la personne pour mettre ça sur sa tombe !
Propos recueillis par Louis Morice - Le Nouvel Observateur
Geen opmerkingen:
Een reactie posten