Publié le 18-10-2013 à 10h35 - Mis à jour le 23-10-2013 à 11h04
Par Jérôme Garcin
Né le 29 avril 1930 à Dinan, JEAN ROCHEFORT a
joué dans quelque 150 films dont « Que la fête commence » de Bertrand
Tavernier et « le Crabe-Tambour » de Pierre Schoendoerffer qui lui ont
valu le césar du meilleur acteur en 1976 et en 1978. Eleveur de chevaux,
il a mis au monde une centaine de poulains. Il a coréalisé « Cavaliers
seuls » en 2010. (Eric Dessons/Sipa)
Sur le même sujet
- » L'abécédaire de Jean-Pierre Marielle
- » Louis de Funès, c'est d'un chic!
- » Des chevaux et des hommes
- » Jean Rochefort au Louvre
- » Alexis Jenni: Ce que j'aimais chez Schoendoerffer
- » L’adieu aux armes de Pierre Schoendoerffer
- » VIDEO. L'Indochine racontée par Schoendoerffer
- » De l'écrit à l'écran (et réciproquement)
A lire sur Internet
Jean Rochefort, c'est son génie, n'est jamais banal et se distingue
toujours. Que ce soit à l'écran, où il ne se donne plus qu'aux jeunes
cinéastes ; sur scène, où il a marié Erik Satie et Fernand Raynaud ; et
en librairies, où il a célébré «le Louvre à cheval».Même sa vie, et quelle vie ! ce grand-duc s'ingénie à la garder pour lui. Il n'a pas voulu en effet la confer aux biographes, fussent-ils autorisés, et n'a cessé de refuser aux éditeurs des Mémoires qu'un nègre aurait, selon la méthode en vigueur chez les vedettes, rédigés à sa place. Il est trop fier pour se prostituer, trop excentrique pour ressembler aux autres, trop pessimiste pour se plaire et trop lettré pour ne pas, à la plume, à l'ancienne, écrire lui-même. Fort bien, d'ailleurs, avec un goût prononcé pour la formule, la métaphore, la litote, l'aphorisme, la digression fantasque, les pleins et les déliés. Il convient d'y ajouter l'autodérision et l'art de parler de soi à la troisième personne.
En fait d'autobiographie, voici donc «Ce genre de choses», un recueil délectable d'anecdotes rehaussées par le style, de saynètes volées à la mémoire, de dialogues cocasses, d'impressions soleil couchant. Les lecteurs qui attendraient d'interminables souvenirs d'enfance ou le commentaire satisfait de son impressionnante filmographie en seront pour leurs frais. Ce livre, comme la culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié.
Ce qui reste ? Le rêve d'un théâtre humble et dépouillé. L'image bouleversante de Jean Vilar terrassé, à Avignon, par des soixante-huitards. Un dîner à l'Elysée avec la reine d'Angleterre où il fut question de chevaux et du ferrage à froid. Camus, qu'il préfère à Sartre, et l'Aragon des «Cloches de Bâle», qu'il préfère au chantre de l'URSS. Le sifflet de Belmondo et les lunettes de Marielle. Les poules de la Royal Air Nepal, les singes d'Ethiopie, les juments françaises, qui sont «les Buster Keaton de l'étreinte», et la naissance du poulain Utopique, fécondé in vitro. Bref, ce genre de choses qui, bout à bout, dans l'ordre ou le désordre, avec une gaieté triste dont il est le héraut, font mieux qu'une vie: un destin.
J.G.
« Signez de Funès »
Belmondo signe autographe sur
autographe. Apitoyé, on m'en demande un. Pour en rire et par dérision,
je signe "de Funès". Rapidement, autour de moi, on se presse, je
persiste et signe "de Funès", puis l'amour-propre m'envahit et,
courageusement, je décide d'utiliser mon patronyme.
Le récipiendaire : "Qui c'est ça, Rochefort ?
- C'est moi.
- Soyez gentil, signez "de Funès".»
« Le Crabe-Tambour »
Parfois, nous avons affaire à des
œuvres, "le Crabe-Tambour" de Pierre Schoendoerffer en est une. Dufilho,
inlassablement, écoute les battements de cœur du "Jauréguiberry",
escorteur d'escadre. Claude Rich est le médecin de bord. Jacques Perrin
écume les mers avec son chalutier pour se retrouver face à face avec le
commandant qui va mourir, le commandant qui a manqué à sa parole, Perrin
alors attend un mot, un repentir, un pardon, il ne les obtiendra pas.
C'est
rien, c'est simple, c'est magnifique. Seul "vivre" était possible
devant Schoendoerffer, nous sommes avec lui, ivre de son oeuvre et de
ses tempêtes.
L'océan, ses
colères, le silence des icebergs, l'étonnement des pingouins, on ne
pouvait "jouer", nous le vivions, et notre chef opérateur, Raoul
Coutard, à bon escient assombrissait les brouillards.
Schoendoerffer Pierre est mort, Dufilho Jacques est mort. Coutard, Perrin, Rich et Rochefort ont des cheveux blancs.
"Où t'as mis le DVD ?
- Quel DVD ?"
© Stock
Ce genre de chosespar Jean Rochefort, Stock, 212 p., 18 euros
(en librairies le 23 octobre)
(en librairies le 23 octobre)
Retrouvez plus d'extraits dans "le Nouvel Observateur" du 17 octobre 2013.
Par ailleurs, dans 'le Nouvel Obs' du 17 octobre 2013 : Grand entretien avec John Le Carré / La France selon Finkielkraut / La traite des noirs par Léonora Miano / Alain Julien Rudefoucauld / Chahdortt Djavann / Les souvenirs de Jean Rochefort / Alexandre Romanès répond à Manuel Valls
Geen opmerkingen:
Een reactie posten