Par V. R.
Deux tiers de Français estiment que les immigrés sont mieux traités qu'eux, selon un sondage. Réaction de Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile.
67% des Français estiment que les immigrés sont mieux traités qu'eux, selon un sondage Ifop pour "Valeurs actuelles" à paraître jeudi 14 novembre. Faux, réagit Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, qui insiste sur l'urgence "de déconstruire les idées reçues". Interview.
Selon un sondage de "Valeurs Actuelles", 67% des Français estiment qu'on en fait plus pour les immigrés que pour eux. Comment réagissez-vous ?
- La réponse est contenue dans la question. Si dans une période de crise, vous posez la question "Pensez-vous qu'on en fait plus pour les immigrés que pour les Français ?", vous ne pouvez-vous attendre qu'à cela. La question est totalement orientée. Je suis persuadé que si vous posiez la question de manière différente, par exemple "Faut-il venir en aide aux étrangers qui sont malades", le résultat serait autre.
Les instituts de sondage, les médias, fabriquent et alimentent la machine à rejet. Après, dans une période de crise, où le chômage est d'une violence exceptionnelle, où des territoires entiers sont dans la désespérance, je comprends très bien qu'il y ait un immense sentiment de délaissement et que, face à une surmédiatisation des thématiques autour de l'immigration, certains aient, peut-être, l'impression qu'il y a un traitement plus favorable donné aux personnes étrangères. Tout cela participe d'un climat détestable. Mais il faut dire combien ces considérations sont erronées. Il n'y a rien de vrai là-dedans !
En quoi est-ce "erroné" ?
- En matière d'emploi, de logement, d'éducation, ou encore de justice, il n'y a aucune discrimination positive pour les étrangers. Pour l'accès au logement social, il y a des normes. Pour l'emploi, je voudrais rappeler aux lecteurs qu'il y a près de six millions d'emplois qui sont réservés aux nationaux, et qui de fait sont interdits aux étrangers non communautaires.
Ce sont des emplois réservés dans toute la fonction publique, avec d'ailleurs une hypocrisie extraordinaire. Bien souvent, les personnes étrangères employées dans nos hôpitaux, y compris des médecins, ont des statuts inférieurs.
Mais je pourrais citer d'autres exemples. Pour être gérant de débit de tabac, il faut encore être Français, privilège des douanes. Pour la santé, l'aide médicale d'Etat (AME), qui est réservée aux étrangers, est moins protectrice en termes de remboursements que la couverture maladie universelle (CMU). Encore une fois, il n'y a pas de traitement privilégié dans quelque secteur que ce soit. Il faut déconstruire les idées reçues.
En 2006, selon ce même sondage, les Français étaient 40% à estimer que les immigrés étaient mieux traités qu'eux. Comment expliquer cette hausse ?
- Compte tenu du climat de surenchère qui règne, de la libération de la parole, des années Grenoble – après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en juillet 2009 - qu'il y ait encore une telle proportion de gens qui ne le pensent pas, c'est une bonne base de résistance ! Avec l'irruption brutale des médias d'information en continu, les médias fixent de plus en plus l'agenda politique autour de thématiques populistes qui font du buzz. Il y a danger. Il est urgent de reprendre la main et tenir un discours qui incarne la nation, qui incarne le rassemblement, la solidarité et la fraternité. Il faut maintenir l'imaginaire de l'universel, qui est aussi la marque de la France.
L'affaire Leonarda a-t-elle pu contribuer à radicaliser l'opinion ?
- L'affaire Leonarda a été très mal traitée. Ça n'aide pas à une analyse rationnelle de la situation...
Propos recueillis par Violette Robinet le 13 novembre 2013 - Le Nouvel Observateur
Selon un sondage de "Valeurs Actuelles", 67% des Français estiment qu'on en fait plus pour les immigrés que pour eux. Comment réagissez-vous ?
- La réponse est contenue dans la question. Si dans une période de crise, vous posez la question "Pensez-vous qu'on en fait plus pour les immigrés que pour les Français ?", vous ne pouvez-vous attendre qu'à cela. La question est totalement orientée. Je suis persuadé que si vous posiez la question de manière différente, par exemple "Faut-il venir en aide aux étrangers qui sont malades", le résultat serait autre.
Les instituts de sondage, les médias, fabriquent et alimentent la machine à rejet. Après, dans une période de crise, où le chômage est d'une violence exceptionnelle, où des territoires entiers sont dans la désespérance, je comprends très bien qu'il y ait un immense sentiment de délaissement et que, face à une surmédiatisation des thématiques autour de l'immigration, certains aient, peut-être, l'impression qu'il y a un traitement plus favorable donné aux personnes étrangères. Tout cela participe d'un climat détestable. Mais il faut dire combien ces considérations sont erronées. Il n'y a rien de vrai là-dedans !
En quoi est-ce "erroné" ?
- En matière d'emploi, de logement, d'éducation, ou encore de justice, il n'y a aucune discrimination positive pour les étrangers. Pour l'accès au logement social, il y a des normes. Pour l'emploi, je voudrais rappeler aux lecteurs qu'il y a près de six millions d'emplois qui sont réservés aux nationaux, et qui de fait sont interdits aux étrangers non communautaires.
Ce sont des emplois réservés dans toute la fonction publique, avec d'ailleurs une hypocrisie extraordinaire. Bien souvent, les personnes étrangères employées dans nos hôpitaux, y compris des médecins, ont des statuts inférieurs.
Mais je pourrais citer d'autres exemples. Pour être gérant de débit de tabac, il faut encore être Français, privilège des douanes. Pour la santé, l'aide médicale d'Etat (AME), qui est réservée aux étrangers, est moins protectrice en termes de remboursements que la couverture maladie universelle (CMU). Encore une fois, il n'y a pas de traitement privilégié dans quelque secteur que ce soit. Il faut déconstruire les idées reçues.
En 2006, selon ce même sondage, les Français étaient 40% à estimer que les immigrés étaient mieux traités qu'eux. Comment expliquer cette hausse ?
- Compte tenu du climat de surenchère qui règne, de la libération de la parole, des années Grenoble – après le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en juillet 2009 - qu'il y ait encore une telle proportion de gens qui ne le pensent pas, c'est une bonne base de résistance ! Avec l'irruption brutale des médias d'information en continu, les médias fixent de plus en plus l'agenda politique autour de thématiques populistes qui font du buzz. Il y a danger. Il est urgent de reprendre la main et tenir un discours qui incarne la nation, qui incarne le rassemblement, la solidarité et la fraternité. Il faut maintenir l'imaginaire de l'universel, qui est aussi la marque de la France.
L'affaire Leonarda a-t-elle pu contribuer à radicaliser l'opinion ?
- L'affaire Leonarda a été très mal traitée. Ça n'aide pas à une analyse rationnelle de la situation...
Propos recueillis par Violette Robinet le 13 novembre 2013 - Le Nouvel Observateur
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