Le cinéaste français s'est éteint à l'âge de 91 ans. Le dernier film de cet amoureux des acteurs sort le 26 mars prochain. Hommage.
Donc, pas de clap de fin pour Alain Resnais, alias Loup Blanc, qui depuis tant d’années promenait sa crinière blanche, ses chemises rouges, ses cravates en tricot, ses tennis blanches dans le quartier des Champs-Elysées, de plus en plus cassé en deux, de moins en moins décidé à ralentir le rythme qu’il s’était donné : la difficulté avec lui, lorsqu’on le rencontrait pour parler de son film à sortir, était qu’il ne pensait déjà plus qu’au prochain, auquel il donnait systématiquement le titre de "Vous n’avez encore rien vu", inspiré du "You ain’t heard nothing yet" (Vous n’avez encore rien entendu) du "Chanteur de jazz", le premier film parlant.
Le prochain… qui bien évidemment ressemblerait au précédent, un film de Resnais ne ressemble jamais qu’à un film de Resnais, tout en étant différent absolument. Rien ne l’animait tant, peut-être bien, que le désir de laisser toujours le film vivant, jusqu'au dernier moment : "Je tourne pour savoir comment ça va tourner", affirmait-il. Et que le spectateur ait l’impression que le film se composait sous ses yeux, et pour lui seul, que peut-être s’il le revoyait le lendemain il serait tout différent, voilà qui le remplissait de joie.
L'amoureux des acteurs
Voilà bien qui ne risquait pas de lui arriver, à lui, Alain Resnais, qui se gardait bien de jamais revoir ses films. Et comme il ne détestait rien tant que faire deux fois la même chose, d’ailleurs cela ne lui est jamais arrivé, il fallait que sa scripte fidèle, Sylvette Baudrot, qui travaillait avec lui depuis "Hiroshima mon amour", lui fasse remarquer sur le tournage, qu’en 1962 ou en 1984 déjà il avait fait cela. "Eh bien, disait-il alors, on va faire autrement." Et voilà tout.Lui-même se voyait "moins comme travaillant dans le cinéma que comme spectateur", amoureux fou des acteurs, ceux qu’il retrouvait d’un film à l’autre, Sabine Azéma, Pierre Arditi, André Dussollier en premiers de cordée, ceux qu’il invitait à jouer avec lui, avec le spectateur, qui toujours en ressortaient époustouflés, sidérés et fiers.
Les acteurs, leur visage, leur allure, leurs manières d’être, oui, mais leur voix plus encore. Les voix le transportaient, depuis qu’au théâtre il allait entendre et voir Louis Jouvet, Sacha Pitoeff. Et de fait, autant que les images des films d’Alain Resnais, ce sont les voix qui d’emblée reviennent à la mémoire. Celle de Michel Bouquet disant le texte de Jean Cayrol sur les images glacées des camps de la mort tels que filmés en 1955 ("Nuit et Brouillard"), celles d’Emmanuelle Riva et Eiji Okada prononçant les mots de Marguerite Duras dans "Hiroshima mon amour" (1959). Voix anglaises, Dirk Bogarde, Ellen Burstyn, John Gielgud dans "Providence" (1977), voix des deux seuls Sabine Azéma et Pierre Arditi, interprètes de tous les personnages de "Smoking / No smoking" (1993), voix de Joséphine Baker, de Johnny Hallyday, de Dalida, d’Alain Bashung ou de France Gall sortant de la bouche des acteurs de "On connaît la chanson" (1997), qui font semblant de chanter… au contraire de ceux de "Pas sur la bouche" (2004), qui chantent pour de bon.
Enfin quoi, à ce compte-là on n’en finirait pas, alors que précisément, la nuit dernière… On songe à la phrase de Billy Wilder à la mort de Lubitsch, elle vaut aussi pour Alain Resnais :
Geen opmerkingen:
Een reactie posten