LE PLUS. Meriam Yehya Ibrahim a 27 ans, elle est chrétienne au Soudan et vient d'avoir un bébé en prison. Condamnée à mort pour apostasie, la jeune femme a reçu un large soutien international. Ilana Soskin, avocate, et Dr Jacky Mamou, président du Collectif Urgence Darfour, lancent un appel au président français.
Amnesty International s'est mobilisé contre la condamnation à mort de Meriam Yehya Ibrahim. (Amnesty Canada)
La nouvelle d’une "prochaine libération" de Meriam, cette chrétienne soudanaise de 27 ans, jugée le 15 mai dernier, condamnée à mort pour apostasie par un tribunal à Khartoum s’est répandue rapidement. Ce n’est certainement pas parce que le gouvernement soudanais a soudainement donné raison aux avocats de Meriam. Ceux-ci plaident en effet que les engagements internationaux du Soudan, ainsi que la Constitution actuelle garantissent la liberté religieuse.
L’information d’une "prochaine libération" a été savamment distillée par le sous-secrétaire des Affaires étrangères à une agence de presse internationale, suscitant un immense espoir. Aucune précision n’était donnée cependant sur l’abandon des charges qui pèsent sur la jeune femme, y compris sa condamnation à 100 coups de fouet pour "adultère".
Le fait que ce soit le ministère des Affaires étrangères et non le ministère de la Justice, qui communique sur cette affaire, en dit long sur l’inquiétude qui règne dans les sphères du pouvoir, face à la montée de la mobilisation internationale en faveur de Meriam.
Et puis est arrivée la douche froide avec le démenti du gouvernement soudanais : aucune libération n’est envisagée pour le moment. Comment interpréter ces volte-faces ?
Des divisions dans le parti au pouvoir
La bronca des opinions publiques face à ce jugement inique a visiblement surpris le président soudanais Omar el Béchir. Si l’administration américaine et les dirigeants européens ont fait des protestations du bout des lèvres, les Britanniques viennent de changer la donne. David Cameron le Premier ministre, Miliband le chef de l’opposition travailliste, mais aussi Tony Blair et d’autres ténors de la politique outre-Manche ont eu des mots très durs sur la condamnation de Meriam, évoquant aussi la menace d’une suspension de l’aide à l’État soudanais.
Le lendemain commençait la cacophonie des officiels soudanais dans leur communication aux médias. Pourquoi ?
Les divisions au sein du pouvoir islamiste se sont aiguisées dernièrement. Elles expliquent les points de vue contradictoires. En effet, le pays connaît actuellement de très graves difficultés et le président Béchir, au pouvoir depuis son coup d’État pro-islamiste de 1989, est usé.
Une scission a eu lieu dans le parti au pouvoir. Le principal leader de l’opposition institutionnelle Sadeq Al Mahdi a été arrêté il y a peu. Le Soudan est un État criblé de dettes, dont la source principale de devises s’est tarie avec l’indépendance du Sud-Soudan en 2011.
En effet, 70% des puits pétrole s’y trouvaient avant la partition du pays. D’importantes manifestations violemment réprimées ont eu lieu l’an dernier en raison du renchérissement du coût de la vie. Tandis que les denrées de base ne sont plus subventionnées et que tous les budgets sociaux sont à la baisse, la Défense et la Sécurité prennent l’essentiel des rentrées fiscales. Et pourtant, le régime islamiste ne parvient pas à venir à bout de la rébellion du Darfour ou de celle du SPLM-nord dans les régions du Nil Bleu et du Sud-Kordofan.
Un laisser-faire face aux islamistes
Seul un raidissement idéologique, mettant au pas toute la société, permettrait à Omar el Béchir et à son équipe de se maintenir au pouvoir. En effet, pour les dirigeants soudanais, tout changement politique peut signifier un aller simple pour La Haye. Plusieurs d’entre eux sont sous l’objet d’un mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité commis sous leurs ordres au Darfour. Contre Béchir a été retenue de plus l’accusation de génocide.
Ce laisser-faire aux islamistes les plus durs expliquent la cruauté du régime de détention de Meriam qui aurait accouché de son deuxième enfant en prison, les jambes enchaînées. Elle est harcelée par les oulémas qui tantôt usent du bâton ("tu seras pendue, si tu ne reviens pas à l’islam"), tantôt essaie la carotte ("tu auras de l’argent, nous te protégerons toi et tes enfants"). En vain.
D'autres cas existent, il faut agir !
Meriam n’est pas un cas isolé. Faiza Abdalla, une autre femme chrétienne de 37 ans est en prison depuis le 2 avril 2014. Elle aussi est accusée d’apostasie et son mariage avec un chrétien a été annulé. Elle risque elle aussi la peine de mort et 100 coups de fouet pour adultère.
D’autres cas doivent exister et ne sont pas connus de l’opinion. Nul doute que dans cette campagne, il s’agit de donner des gages aux secteurs fondamentalistes pour qu’ils soutiennent ce gouvernement affaibli. Béchir avait déclaré au lendemain du départ des sudistes, pour la plupart chrétiens ou animistes, que la nouvelle Constitution du pays allait être basée sur la charia…
Les défenseurs de Meriam tentent de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle, qui devrait statuer prochainement sur le cas de Meriam. Il faut donc accentuer la réprobation internationale.
Nous, Français, nous demandons au président François Hollande de s’exprimer clairement en faveur de sa libération rapide et de la levée de toute poursuite à son encontre.
Ilana Soskin, avocate et Dr Jacky Mamou président du Collectif Urgence Darfour.
>> Retrouvez l'appel du Collectif Urgence Darfour.
Premiers signataires de l'appel :
Laurence Abeille, députée
Inès Amar, Union des Etudiants Juifs de France
Fadela Amara, ancienne ministre
Lisa Azuelos, réalisatrice
Katia Bayer, RBF- France Forum de la mémoire
Nora Berra, ancienne ministre
Martine Bernheim, LICRA
Jane Birkin, comédienne
Carla Bruni Sarkozy, artiste
Diagne Chanel, Comité Soudan
Huguette Chomski-Magnis, Mouvement pour la Paix et Contre le Terrorisme
Edith Cresson, ancienne Premier ministre
Vanessa David, comédienne
Maria de França, rédactrice en chef de La Règle du Jeu
Marielle de Sarnez, eurodéputée
Cécile de France, comédienne
Simone Dumoulin, Vigilance Soudan
Christiane Féral-Schuhl, ancienne bâtonnier de Paris
Brigitte Fossey, comédienne
Caroline Fourest, journaliste-écrivaine
Julie Gayet, actrice et productrice
Isabelle Giordano, directrice industrie audio-visuelle
Nicole Guedj, ancienne ministre
Asma Guenifi, Ni putes ni soumises
Elizabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale
Nadia Hamour, historienne
Anne Hidalgo, maire de Paris
Latifa Ibn Ziaten, Association Imad pour la Jeunesse et la paix
Dominique-Louise Issermann, cinéaste
Sophie Joissains, sénatrice
Rachel Khan, productrice
Beate Klarsfeld, militante de la mémoire
Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre
Corinne Lepage, ancienne ministre
Caroline Madsac, Collectif Urgence Darfour
Véronique Massoneau, députée
Laura Mayne (Native), artiste
Jeanne Moreau, comédienne
Audrey Moutot, Collectif Urgence Darfour
Deborah Munzer, réalisatrice
Elena Odier, Centre Simon Wisienthal
Séta Papazian, Collectif Vigilance Arménienne contre le Négationnisme
Valérie Pécresse, ancienne ministre
Monique Pelletier, ancienne ministre
Cindy Pétrieux, la Fabrique étudiante
Barbara Pompili, députée
Layla Rahhou, Sos-Racisme
Catherine Ravelli, écrivain
Simone Rodan, American Jewish Committee
Sonia Rolland, comédienne
Meriam Russel, Femen
Karine Silla, réalisatrice
Sylvie Smaniotto, magistrate
Ilana Soskin, avocate, Collectif Urgence Darfour
Amanda Sthers, écrivain
Karine Viard, comédienne
Rama Yade, ancienne ministre
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