maandag 29 juli 2019

« Greta Thunberg face au syndrome de la fosse “sceptique” »

TRIBUNE. Swedish climate activist Greta Thunberg looks on after her speech during a meeting at the French National Assembly, in Paris, on July 23, 2019. (Photo by Lionel BONAVENTURE / AFP)TRIBUNE. « Greta Thunberg face au syndrome de la fosse “sceptique” »


Greta Thunberg, le 23 juillet, lors de son intervention à l’Assemblée nationale. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Le romancier et scénariste Guilhem Méric réagit aux attaques qui ont visé la jeune militante écologiste suédoise lors de son intervention à l’Assemblée nationale le 23 juillet.

Par Guilhem Méric (romancier et scénariste)
J’aimerais revenir sur les réactions suscitées par la venue de Greta Thunberg à l’Assemblée nationale, et en particulier celle de Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo, « anti-collapsologue et anti-Greta Thunberg », comme il se plaît à le préciser, avec une arrogance stupéfiante, dans la biographie de son profil Twitter. Une bonne grosse cerise sur le gâteau des haineux, des ricaneurs et des bas du front qui commencent sérieusement à me gonfler le péritoine, comme on dit par chez moi.
Les scientifiques, qu’on se le dise, se sont tous cassés les dents à vouloir informer et alerter les politiques de tous poils depuis quarante ans. Personne n’a daigné les écouter. Aucun de ces 15 000 savants n’a su tirer son épingle du jeu médiatique, hormis récemment Aurélien Barrau, pourtant plus au fait de l’astrophysique que de l’écologie, mais qui a réussi, par ses talents d’orateur, sa connaissance du sujet et sa détermination sans faille, à réunir trois cents personnalités autour d’un manifeste paru dans « le Monde ». Quid depuis l’événement ? Rien.

Eveiller les consciences

Aujourd’hui, d’autres tentent à leur tour d’éveiller les consciences. De secouer nos têtes pensantes confortablement installées dans leur fauteuil. En l’occurrence, cette toute jeune suédoise atteinte du syndrome d’Asperger, cette enfant déjà si adulte qui s’est arrachée à la dépression en choisissant de se battre pour le climat. De faire de son handicap, de ses troubles maniaques, une force pour le bien commun comme pour elle-même. Son idée de grève scolaire pour le climat, « School strike for climate », a fédéré une large communauté, retenu l’attention des médias du monde entier et bouleversé son quotidien, sa petite routine à laquelle les personnes atteintes de sa maladie sont si attachées. Qu’importe. Greta est décidée à aller jusqu’au bout. A ne rien céder à ses angoisses ou aux sirènes de la célébrité, dont elle n’a que faire.
La voilà devenue aujourd’hui le porte-parole d’une génération condamnée par les décisions écocides d’une poignée d’industriels multimilliardaires, décisions plus ou moins consenties par les Etats les plus riches. Les nôtres. Et à quoi assiste-t-on ? A un lynchage en bonne et due forme du petit soldat Greta. En particulier en France, qui a pourtant accueilli en 2015 la COP21 qui a abouti au fameux Accord de Paris, avec pour objectif une limitation du réchauffement mondial entre 1,5 °C et 2 °C d’ici à 2100.
Greta, qu’on a eu de cesse de traiter de prophétesse en culottes courtes, de gourou apocalyptique, de demeurée manipulée par des lobbies du greenwashing, vient juste rappeler, au sein d’un hémicycle boycotté, que ces fameux engagements pris lors de la COP21 sont loin, très loin d’être tenus. Qu’au contraire, nous glissons toujours sur la mauvaise pente. Que les paroles s’envolent et que les toxines restent.

Créer des alternatives viables

Greta sait parfaitement de quoi elle parle. Les chiffres alarmants qu’elle assène sur le budget carbone qu’il nous reste à dépenser d’ici huit ans et demi avant de basculer vers un point de non-retour, celui où nous ne pourrions plus maintenir le réchauffement à +1,5 degré, sont des chiffres officiels fournis par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qu’aucun média prétendument sérieux n’a jamais jugé bon de mentionner.
Est-il bon de préciser, si besoin était, combien ce petit degré et demi en plus est déjà préoccupant pour la santé de nos écosystèmes ? Si tel est le cas, songez aux conséquences que produit 1 à 2 degré supplémentaire dans votre organisme, et vous aurez sans doute une idée plus claire sur la question.
Ce changement de paradigme pour un monde aux conditions soutenables, fondé sur des nécessités de résilience et de justice sociale, était déjà un peu l’objet de ma précédente tribune parue dans « Libération » sur la condition des auteurs et leur combat pour obtenir un vrai statut. Combien sommes-nous à mener nos propres luttes, nos petites guerres intestines pour grappiller quelques miettes de pain jetées de la table d’un système à bout de souffle ? Notre société doit se réinventer, créer des alternatives viables, s’orienter vers cette sobriété heureuse si chère à Pierre Rabhi et ne plus chercher de solution chez ce colosse aux pieds d’argile qu’a toujours été, à notre insu, notre modèle de croissance. Il n’y a qu’à suivre, à ce sujet, l’excellent exposé d’Arthur Keller sur l’anticipation du déclin de la civilisation thermo-industrielle pour bien appréhender la réalité du problème et ses enjeux.

Pour ne pas sombrer dans l’abîme…

C’est pourquoi Greta Thunberg, du haut de ses 16 ans, de son autisme et de sa conscience aiguë de l’état du monde, est à mon sens une formidable source d’inspiration pour nombre de gens, jeunes et moins jeunes, à qui elle donne l’envie de se battre, de former, d’éduquer, de se rebeller. De mettre toutes nos pendules à l’heure de la survie de notre civilisation.
Je fais partie de ces gens, de ces auteurs de romans qu’elle inspire, à qui elle offre un second souffle, une voie nouvelle en nous faisant comprendre que nos racines sont toutes nouées autour du même arbre. Qu’il faut réenchanter, redonner un sens profond à notre vie. Oui, elle m’inspire comme m’inspirent Cyril Dion, Paul Watson, Hubert Reeves, et n’en déplaise à certains, une personnalité aussi controversée que Nicolas Hulot. Tous ces êtres éclairés et éclairants dont notre monde moribond a tant besoin pour ne pas sombrer dans l’abîme, comme le fier Titanic dans les tréfonds de sa vanité.
Les intertitres ont été réalisés par la rédaction

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